En septembre 2020, Khadija n’a pas pu assister au procès de son ex-mari, accusé de violences conjugales. Elle souhaitait pourtant être présente face à lui, mais n’a pas été informée de la date d’audience, sa convocation ayant été envoyée à une ancienne adresse.
Cette situation interroge : une victime peut-elle être tenue à l’écart d’un procès qu’elle attend depuis des années ? Peut-on aller jusqu’à interdire à une partie civile d’assister au procès de son agresseur ?
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Quels sont les droits de la partie civile dans un procès pénal ?
Lorsqu’une personne est victime d’une infraction, elle peut se constituer partie civile (article 85 du Code de procédure pénale). Cela signifie qu’elle participe activement à la procédure : elle peut faire des demandes d’enquête, être assistée par un avocat, réclamer des dommages et intérêts, poser des questions à l’audience par l’intermédiaire de son avocat…
Elle a donc une vraie place dans le procès.
Et cette place est encore plus importante devant la cour d’assises, comme dans l’affaire Khadija. Dans ce cadre, la partie civile peut :
- assister à l’audience,
- accéder aux pièces du dossier,
- faire citer des témoins,
- demander le huis clos (procès à huis clos) pour certaines infractions graves comme le viol, la traite des êtres humains ou le proxénétisme aggravé.
Mais peut-on l’empêcher d’assister à l’audience ?
En principe, la partie civile a le droit d’être présente. Mais ce droit n’est pas absolu. Le président de la cour d’assises dirige l’audience. Il a la responsabilité de garantir la sérénité des débats et la recherche de la vérité.
Il peut, à ce titre, demander à un témoin de quitter temporairement la salle pour éviter toute influence avant sa déposition. Cela peut aussi concerner la partie civile, si elle est appelée à témoigner.
Dans certains cas, si sa présence risque de troubler l’audience ou de créer des tensions, elle peut être tenue à l’écart, temporairement, et sur décision du président.
Cela peut être vécu comme une violence symbolique, mais la présence de la victime n’est jamais totalement supprimée : elle reste représentée par son avocat, qui peut intervenir, plaider, poser des questions, faire valoir ses droits.
Quels recours en cas d’éviction ?
Le cas de Khadija révèle une faille du système : lorsqu’une partie civile n’a pas été convoquée à l’audience, elle ne peut pas faire appel du jugement au fond, sauf sur les questions d’indemnisation.
En revanche, elle peut :
- engager la responsabilité de l’État pour dysfonctionnement de la justice
- ou saisir la Cour européenne des droits de l’homme si elle estime que ses droits fondamentaux ont été bafoués (article 6 de la CEDH sur le droit à un procès équitable).
Dans l’affaire Khadija, toutes les tentatives de recours classiques ont échoué, y compris une audience exceptionnelle organisée le 26 mars 2021 devant la cour d’assises de Limoges. Elle a donc assigné l’État en justice pour faute lourde. L’audience s’est tenue ce 9 avril 2025 devant le tribunal judiciaire de Paris, et la décision est attendue prochainement.
Son avocate a dénoncé une mise à l’écart symbolique et douloureuse, vécue comme une double peine. Ce cas met en lumière une zone grise du droit, entre les exigences juridiques et le ressenti des victimes.

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