Trois anciens ministres – Édouard Philippe, Agnès Buzyn et Olivier Véran – ont bénéficié d’un non-lieu dans l’enquête sur leur gestion de la crise Covid-19. Cette décision de la Cour de justice de la République signifie qu’il n’y aura pas de procès pénal malgré les plaintes de milliers de victimes. Mais qu’est-ce qu’un non-lieu exactement ? Pourquoi cette décision fait-elle polémique ? Et surtout, quels recours restent-ils aux familles endeuillées et aux victimes ? Contrairement aux idées reçues, un non-lieu n’épuise pas tous les droits : appel, responsabilité administrative de l’État, recours européen… Plusieurs voies demeurent ouvertes pour obtenir justice et réparation. Cet article vous explique vos droits et les stratégies juridiques possibles après cette décision controversée.
Table des matières
L’enquête Covid-19 : pourquoi trois ministres étaient dans le viseur de la justice
Au cœur de la pandémie, entre mars et mai 2020, plusieurs citoyens, associations et professionnels de santé ont massivement saisi la justice. Leur colère portait sur la gestion gouvernementale jugée défaillante : manque criant de masques et de matériel de protection, communication contradictoire des autorités, décisions sanitaires tardives ou inadaptées.
Ces plaignants reprochaient directement à l’État une anticipation insuffisante qui aurait exposé des millions de Français à des risques mortels. « Nous avons travaillé des semaines sans masques, avec des sacs plastiques en guise de protection. C’était de la mise en danger caractérisée », témoigne Sandra, infirmière en réanimation parisienne.
La procédure a été transmise à la Cour de justice de la République (CJR), seule juridiction habilitée à juger les membres du gouvernement pour des actes commis dans l’exercice de leurs fonctions. Édouard Philippe (Premier ministre), Agnès Buzyn (ministre de la Santé) et Olivier Véran (son successeur) étaient visés pour mise en danger de la vie d’autrui, abstention volontaire de combattre un sinistre, et négligence dans la gestion de crise sanitaire.
« Cette affaire révèle la difficulté de juger pénalement des décisions politiques prises dans l’urgence », analyse Maître Claire Dumont, avocate spécialisée en droit public.
Bon à savoir : La Cour de justice de la République est composée de parlementaires et de magistrats de la Cour de cassation. Elle est la seule juridiction compétente pour juger les ministres, selon l’article 68-1 de la Constitution.
Non-lieu : ce que signifie vraiment cette décision judiciaire
Un non-lieu constitue une décision de justice qui interrompt définitivement une procédure pénale sans procès. Concrètement, le juge d’instruction estime qu’il n’existe pas suffisamment de charges pour renvoyer la personne mise en examen devant un tribunal correctionnel ou une cour d’assises.
Dans l’affaire Covid-19, la commission d’instruction de la CJR a considéré que les choix gouvernementaux relevaient de la politique publique plutôt que du droit pénal. Elle n’a trouvé aucune preuve d’intention fautive ou de manquement pénal caractérisé de la part des trois ministres.
« Le non-lieu ne signifie pas que les ministres sont innocents ou que les faits reprochés n’ont pas existé. Il signifie simplement que ces faits ne constituent pas une infraction pénale », précise Maître Jean-Baptiste Moreau, avocat en droit pénal.
La décision s’appuie également sur la complexité des responsabilités pendant la crise sanitaire. Cela rend difficile toute mise en cause individuelle dans un contexte d’urgence absolue et d’incertitudes scientifiques.
« J’ai perdu mon mari à cause de cette gestion catastrophique, et on me dit qu’il n’y a pas de responsable ? C’est révoltant », réagit Sandra, veuve d’un aide-soignant décédé du Covid-19.

Idées reçues sur le non-lieu : démêler le vrai du faux
Le non-lieu suscite souvent des malentendus qu’il convient de clarifier pour comprendre ses véritables implications juridiques. Contrairement à une idée répandue, le non-lieu ne « blanchit » pas les personnes concernées. Il signifie uniquement que la justice pénale ne dispose pas de preuves suffisantes pour établir une culpabilité au regard du droit pénal.
Le non-lieu n’établit pas non plus la vérité sur les faits. Il s’agit d’une décision procédurale qui ne préjuge pas d’éventuelles responsabilités dans d’autres domaines du droit. Enfin, cette décision n’épuise pas tous les recours possibles pour les victimes.
« Beaucoup de familles pensent que c’est terminé après un non-lieu. C’est faux ! D’autres voies restent ouvertes, notamment en droit administratif », rassure Maître Sophie Leblanc, avocate spécialisée en responsabilité de l’État.
Bon à savoir : Le non-lieu peut être rendu pour plusieurs motifs : insuffisance de charges, extinction de l’action publique, ou absence d’infraction. Dans l’affaire Covid-19, c’est l’insuffisance de charges qui a été retenue.
Recours après non-lieu : trois voies juridiques restent ouvertes aux victimes
Malgré le non-lieu, les victimes de la gestion Covid-19 disposent encore de plusieurs possibilités d’action juridique :
- Elles peuvent faire appel de la décision dans les dix jours suivant sa notification si elles se sont constituées parties civiles.
- Elles peuvent engager une action devant le tribunal administratif pour faire reconnaître la responsabilité de l’État. Cette voie est particulièrement prometteuse car le juge administratif statue sur les fautes de service public selon des critères différents du droit pénal.
- Elles peuvent saisir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en invoquant le droit à la vie, le droit à un recours effectif, ou le droit à un procès équitable. Cette procédure permet de contourner les limites du système judiciaire français.
« Nous allons étudier toutes les voies de recours possibles. Le non-lieu pénal ne nous décourage pas », annonce Maître Philippe Rondeau, conseil de plusieurs familles de victimes.
Bon à savoir : L’action administrative contre l’État ne nécessite pas de condamnation pénale préalable. Elle peut aboutir à des indemnisations même en cas de non-lieu pénal.
👉 Vous êtes victime de la gestion Covid-19 ? Un avocat spécialisé en droit administratif peut évaluer vos chances d’obtenir réparation par cette voie, même après le non-lieu pénal.

Responsabilité administrative : comment obtenir réparation sans procès pénal
La justice administrative offre aux victimes une alternative crédible pour obtenir réparation. Contrairement au droit pénal, le droit administratif admet la responsabilité de l’État sur la base de fautes de service public, voire sans faute dans certaines circonstances exceptionnelles.
Les victimes peuvent invoquer plusieurs fondements : carence dans l’organisation des soins, retard dans la distribution d’équipements de protection, défaut d’information ou de prévention. Le juge administratif examine si l’État a manqué à ses obligations de service public pendant la crise sanitaire.
Pour obtenir réparation, il faut démontrer un préjudice grave, anormal et spécial. Le Conseil d’État a déjà admis ce type de responsabilité dans d’autres crises sanitaires comme l’affaire du sang contaminé ou le scandale du Mediator.
« En droit administratif, nous n’avons pas besoin de prouver une intention fautive. Il suffit de démontrer un dysfonctionnement du service public ayant causé un préjudice », explique Maître Dumont.
Le Fonds d’indemnisation des victimes de catastrophes sanitaires peut également être sollicité dans certains cas spécifiques, offrant une voie d’indemnisation complémentaire.
Action collective : mutualiser les forces pour plus d’efficacité
Lorsque des milliers de personnes subissent les mêmes préjudices, l’action collective devient un outil juridique puissant. Dans l’affaire Covid-19, plusieurs associations de victimes se sont constituées pour porter leurs revendications devant la justice.
Ces démarches collectives présentent plusieurs avantages : mutualisation des frais d’avocat, visibilité médiatique accrue, pression politique renforcée, et expertise juridique partagée. Elles permettent aussi de constituer des dossiers plus solides grâce à la multiplicité des témoignages et des preuves.
En droit administratif, les procédures pilotes permettent de traiter simultanément des centaines de dossiers similaires. Cela permet d’accélérer les procédures et d’harmoniser les indemnisations. « Nous représentons plus de 300 familles dans cette affaire. L’union fait la force face à l’État », souligne Maître Leblanc.
Les associations de victimes jouent également un rôle essentiel. Elles accompagnement psychologiquement, un aspect souvent négligé mais crucial dans ces procédures longues et douloureuses.
Bon à savoir : Rejoindre une action collective ne vous empêche pas de mener parallèlement une action individuelle si votre préjudice présente des spécificités particulières.
Recours européen : quand saisir la Cour de Strasbourg ?
La Cour européenne des droits de l’homme représente un recours ultime mais parfois efficace pour les victimes. Elle peut être saisie lorsque les voies de recours internes ont été épuisées ou se révèlent manifestement inefficaces.
Dans l’affaire Covid-19, plusieurs arguments peuvent être invoqués devant la CEDH : violation du droit à la vie (article 2 de la Convention), défaut d’enquête effective, ou déni de justice. La Cour examine si l’État français a rempli ses obligations positives de protection de la vie et de la santé.
La procédure européenne présente l’avantage de donner une dimension internationale à l’affaire et de créer une jurisprudence contraignante pour la France. Cependant, elle est longue (plusieurs années) et exige l’épuisement préalable des voies de recours nationales.
« La CEDH a déjà condamné plusieurs États pour leur gestion défaillante de crises sanitaires. C’est une voie à ne pas négliger », conseille Maître Moreau.
Choisir le bon avocat après un non-lieu : spécialisations et stratégies
Le choix de l’avocat devient crucial après un non-lieu car plusieurs stratégies juridiques sont possibles. Pour contester la décision de non-lieu ou engager une nouvelle action pénale, un avocat spécialisé en droit pénal reste indispensable.
Pour une action contre l’État, privilégiez un avocat expert en droit administratif et en responsabilité publique. Ces praticiens maîtrisent les spécificités du contentieux administratif et les critères d’indemnisation applicables.
Si vous envisagez un recours européen, recherchez un avocat familier de la procédure devant la CEDH et de la jurisprudence européenne en matière de droits fondamentaux.
« Chaque voie de recours nécessite une expertise spécifique. Un bon avocat doit savoir vous orienter vers la stratégie la plus adaptée à votre situation », recommande Maître Rondeau.
Certains cabinets maîtrisent plusieurs de ces domaines et peuvent ainsi coordonner une stratégie globale combinant différents recours selon les opportunités juridiques.
Bon à savoir : De nombreux avocats acceptent de travailler au résultat dans ce type d’affaires, limitant vos frais initiaux tout en vous garantissant un engagement maximal de leur part.
Se reconstruire après un non-lieu : dimension humaine et symbolique
Au-delà des aspects juridiques, un non-lieu peut provoquer un traumatisme psychologique important chez les victimes. Le sentiment d’injustice, la colère, et la déception nécessitent souvent un accompagnement spécialisé pour éviter l’isolement et la détresse.
Rejoindre une association de victimes permet de rompre l’isolement, de partager son expérience, et de transformer sa souffrance en action collective. Ces groupes organisent également des actions de mémoire et de sensibilisation pour éviter la reproduction des mêmes erreurs.
« Après le non-lieu, j’avais l’impression que la mort de mon mari ne comptait pour personne. L’association m’a aidée à comprendre que notre combat avait du sens », témoigne Martine.
Le témoignage public, l’écriture, ou l’engagement associatif constituent souvent des étapes importantes dans le processus de reconstruction personnelle et de recherche de sens après une tragédie.
👉 Vous ressentez un sentiment d’injustice après un non-lieu ? Consultez un avocat spécialisé en responsabilité de l’État pour connaître tous vos recours et ne pas rester isolé face à cette épreuve.
Ce qu’il faut retenir du non-lieu Covid-19 :
Le non-lieu accordé à Édouard Philippe, Agnès Buzyn et Olivier Véran ne signifie pas la fin de tous les recours pour les victimes. Appel de la décision, action administrative contre l’État, recours européen, et actions collectives restent possibles. Chaque voie nécessite une expertise juridique spécifique et une stratégie adaptée. Un avocat spécialisé peut vous aider à choisir la meilleure approche selon votre situation personnelle. Le non-lieu pénal n’efface ni les souffrances ni les dysfonctionnements : d’autres juridictions peuvent encore rendre justice à leur manière.
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