L’article 425 du code civil dispose que lorsqu’une personne est dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles, elle peut bénéficier d’une mesure de protection juridique. C’est le cas de la mise sous tutelle ou curatelle d’un parent.
Il en existe de nombreuses, tant judiciaires que non judiciaires : l’habilitation familiale, la sauvegarde de justice, la curatelle simple, la curatelle renforcée, la tutelle, etc. La mise en place d’une telle mesure peut toutefois constituer un bouleversement dans la vie d’une personne, qui est de surcroit généralement dans une situation de vulnérabilité ou de précarité.
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Dans ce cadre, lorsque la mesure est ouverte à l’égard d’un parent, les enfants ont un rôle extrêmement important à jouer. Ce rôle démarre au moment de l’apparition des premiers signes de vulnérabilité et se poursuit tant lors de la procédure aux fins d’ouverture de la mesure de protection que lors de l’exécution de ladite mesure.
Nous faisons ici le point sur les diverses possibilités d’intervention de la part des enfants d’un parent protégé et sur les conséquences de l’ouverture d’une mesure de protection.
De quelle manière les enfants peuvent intervenir pour défendre les intérêts d’un parent vulnérable ?
Avant l’apparition d’une vulnérabilité d’un parent, les enfants peuvent mettre en place un mécanisme particulier: le mandat de protection future.
Avant et face aux premiers signes de vulnérabilité
En effet, ce mandat permet à une personne (en mesure d’exprimer son consentement) d’anticiper l’organisation de sa vie et de son patrimoine dans le cas où ses facultés mentales ou physiques seraient altérées.
Pour le mandant, il s’agit ainsi de désigner à l’avance une ou plusieurs personnes qui le représenteront s’il devient incapable de gérer ses intérêts. Face aux premiers signes de vulnérabilité, il est également possible d’apporter une réponse juridique avec la mise en place d’une mesure de protection juridique, judiciaire ou non.
Il peut par exemple s’agir d’une mesure d’habilitation familiale : peu connue, cette mesure se distingue par sa flexibilité et son efficacité. En effet, elle doit être demandée au juge des tutelles mais à partir du moment où elle est décidée, l’intervention du juge devient très résiduelle puisqu’il exerce, en principe, un contrôle limité sur l’exécution de la mesure.
Il peut également être envisagé de demander au juge des tutelles la mise en place d’une mesure de protection judiciaire : la sauvegarde de justice, la curatelle ou la tutelle. Ces mesures permettent de protéger le parent via un régime d’assistance (curatelle) ou de représentation (tutelle). Ainsi, tant en curatelle qu’en tutelle, l’épargne du parent protégé fera l’objet d’une protection.
Lors de la procédure aux fins de mise sous protection
Il arrive que la procédure aux fins de mise sous protection (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, etc.)
intervienne à la demande de tiers : par exemple, d’une assistante sociale, d’un établissement hospitalier, d’un EHPAD, du Procureur de la République, etc. On parle alors de signalement au juge des tutelles.
Dans ce cadre, le juge des tutelles va instruire l’affaire afin de déterminer si la personne qui fait l’objet du signalement doit faire l’objet d’une mesure de protection ou non. Il entend généralement les proches de la personne à protéger (famille, personnes ayant des liens étroits avec elle, etc.). Les enfants peuvent donc demander au juge des tutelles à être entendus pour exposer leur point de vue sur la nécessité ou non d’une mesure.
Par ailleurs, les enfants de la personne à protéger peuvent également demander à consulter le dossier au Tribunal. En effet, l’article 1222 du code de procédure civile dispose que le dossier peut être consulté sur autorisation du juge par les proches (dont les enfants) à condition d’avoir un intérêt légitime.
Enfin, il convient de rappeler que les proches de la personne à protéger sont « prioritaires » pour être désignés en tant que tuteur ou curateur. En effet, l’article 449 du code civil dispose qu’en principe, le juge des tutelles nomme en priorité le conjoint (ou partenaire de PACS) ou à défaut, « un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé ou entretenant avec lui des liens étroits et stables ».
L’enfant d’un parent à protéger peut donc parfaitement demander à exercer la mesure de protection juridique. Il peut aussi demander à jouer un rôle moins actif : par exemple, en tant que subrogé curateur ou subrogé tuteur.
Lorsque le juge des tutelles rend son jugement
À la suite de l’instruction, le juge des tutelles rend sa décision. Il peut s’agir d’un jugement ouvrant une
mesure de protection (de tutelle, de curatelle renforcée, de curatelle simple, etc.) ou d’un jugement de non-lieu à mesure de protection.
Dans le premier cas, c’est-à-dire lorsque le juge des tutelles ouvre une mesure de protection, les proches peuvent en principe faire appel du jugement du juge des tutelles. En effet, l’article 1239 du code de procédure civile dispose que l’appel est ouvert aux proches de la personne à protéger (conjoint, partenaire de PACS, parent, allié, etc.).
En revanche, dans le second cas, c’est-à-dire lorsque le juge des tutelles refuse de prononcer une mesure de protection, l’appel n’est ouvert que pour le requérant (c’est-à-dire celui qui a demandé la mise en place d’une mesure).
Il convient d’être vigilant car en matière de mesures de protection, la procédure d’appel obéit à certaines spécificités :
- Le délai pour interjeter appel est très court : 15 jours.
- Pour les proches à qui le jugement est notifié, le délai démarre à compter de cette notification.
- En revanche, pour les autres personnes intéressées à qui le jugement n’a pas été notifié, le délai d’appel démarre à compter de la date du jugement.
- L’appel est formé par la transmission d’une déclaration d’appel au greffe du juge des tutelles qui a rendu la décision (et non pas à la cour d’appel).
L’appel permettra de remettre en cause le jugement du juge des tutelles devant la Cour d’appel compétente. Les délais varient, mais il faut généralement s’attendre à patienter plusieurs mois (par exemple, généralement entre 8 et 10 mois à Paris) avant d’être convoqué.
Le cas échéant, une fois que l’arrêt d’appel est rendu, un pourvoi en cassation peut ensuite être envisagé.
Les conséquences sur les enfants mineures et sur les héritages
Le maintien de l’autorité parentale en présence d’enfants mineurs
Depuis la loi du 5 mars 2007, en principe, « les majeurs protégés ont, comme tous les parents, vocation à élever leurs enfants ; en ce domaine, leur curateur ou leur tuteur ne saurait les assister ou les représenter »
Annick BATTEUR, « Le majeur protégé et l’enfant », in Nouveau droit des majeurs protégés – Difficultés pratiques, Gilles RAOUL-CORMEIL, Dalloz, 2012
Ainsi, certains actes sont dits « strictement personnels » et relèvent donc de la seule liberté du majeur protégé. Certains de ces actes sont énumérés à l’article 458 du code civil : la déclaration de naissance d’un enfant, la reconnaissance d’un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d’un enfant, le consentement donné à l’adoption de son enfant, etc. Surtout, la liste comprend « les actes de l’autorité parentale relatifs à la personne d’un enfant ».
En revanche, l’article 373 du code civil prévoit que « Est privé de l’exercice de l’autorité parentale le père ou la mère qui est hors d’état de manifester sa volonté, en raison de son incapacité, de son absence ou de toute autre cause ».
C’est donc seulement si le majeur protégé est absolument hors d’état de manifester sa volonté qu’il peut être privé de l’exercice de l’autorité parentale.
Il convient toutefois de noter qu’il existe un doute s’agissant de l’administration légale des biens du mineur (un attribut de l’autorité parentale). En effet, il peut paraître étonnant de confier à une personne qui n’est pas capable de gérer son budget la gestion des biens de ses enfants. Malheureusement, ni les textes ni la jurisprudence ne sont pour le moment clairs à ce propos.
Les conséquences sur l’héritage
Conformément à l’article 443 du code civil, la mesure de protection (tutelle, curatelle, etc.) prend fin au décès du majeur protégé. Il conviendra simplement d’informer le juge des tutelles du décès.
Dans ce cadre, dans les trois mois qui suivent la fin de sa mission, le tuteur ou le curateur (en curatelle renforcée) remet aux héritiers du parent protégé (article 514 du code civil) :
- Une copie des 5 derniers comptes de gestion ;
- Une copie du dernier compte de gestion portant sur l’année du décès ;
- L’inventaire initial et les actualisations auxquelles il a donné lieu ;
- De manière générale, toutes les pièces nécessaires pour assurer la liquidation de la succession.
Dans quelques cas (heureusement isolés), l’obtention de ces documents peut permettre d’identifier des manquements commis par le tuteur ou le curateur. Il convient alors de préciser qu’il est possible d’engager la responsabilité de ce dernier (article 421 du code civil). Cette action se prescrit par un délai de 5 ans (article 423 du code civil).
De la même manière, l’action en reddition des comptes, l’action en revendication et l’action en paiement se prescrivent par 5 ans à compter de la fin de la mesure (article 515 du code civil).
Quelles sont les bonnes pratiques ?
La nécessité de maintenir ou renforcer les liens familiaux
Conformément à l’article 459-2 du code civil, le majeur protégé :
- Choisit le lieu de sa résidence ;
- Entretient librement des relations personnelles avec tout tiers ;
- A le droit d’être visité et d’être hébergé.
Ainsi, en principe, la mise en place d’une mesure de protection n’a pas pour effet d’altérer les relations familiales, et notamment celles entre un parent et ses enfants.
A fortiori, il est même extrêmement important pour les enfants d’essayer de renforcer leurs relations avec leurs parents. En effet, la mise en place d’une mesure de protection, souvent brutale, peut être vécue comme un traumatisme par le parent.
Par exemple, lorsque la demande émane d’un tiers, le juge des tutelles va être saisi par le Procureur de la République et peut décider en urgence de l’ouverture d’une mesure de sauvegarde de justice avec désignation d’un mandataire spécial. En d’autres termes, sans jamais avoir été prévenu et sans jamais avoir rencontré le Procureur de la République ou le juge des tutelles, le parent va un jour recevoir un courrier de la part du Tribunal lui indiquant qu’il a été placé sous sauvegarde de justice, qu’il ne reçoit plus son courrier et qu’il ne peut plus utiliser librement ni son compte bancaire ni ses moyens de paiement.
Quelques jours plus tard, une personne inconnue (le mandataire spécial) se présente auprès du majeur protégé en lui indiquant qu’il va percevoir ses revenus à sa place, qu’il va lui ouvrir un nouveau compte bancaire, qu’il ne peut plus utiliser sa carte bleue, qu’il aura seulement droit à un peu d’argent de poche toutes les semaines, etc.
L’impact sur le parent protégé peut être dévastateur. Les enfants ont donc un rôle de soutien et d’accompagnement extrêmement important à jouer.
Le contrôle de la bonne exécution de la mesure de protection par un tiers
Lorsque la mesure est confiée à un tiers (par exemple, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs), les enfants peuvent jouer un rôle de contrôle.
Ils peuvent notamment demander à être nommés subrogé tuteur ou subrogé curateur. Cela leur permettra d’avoir un accès automatique aux comptes de gestion, réalisés chaque année par le tuteur ou curateur.
Même s’ils ne sont pas subrogés tuteurs ou subrogés curateurs, les enfants peuvent demander à obtenir les comptes de gestion : le juge des tutelles leur communiquera seulement s’il estime que cette communication est utile (article 510 du code civil).
Par ailleurs, les enfants peuvent aussi échanger avec le tuteur ou curateur afin d’améliorer les conditions de vie et le bien-être de leur parent protégé : augmenter leur argent de vie, effectuer des travaux pour adapter leur logement, leur organiser des voyages, mettre en place des visites à domicile d’acteurs médicaux ou sociaux, etc.
Enfin, les enfants peuvent toujours demander au juge des tutelles un nouvel examen de la mesure de mise sous curatelle d’un parent :
- S’ils estiment que la mesure n’est pas suffisante pour protéger les intérêts de leur parent protégé, ils peuvent demander à renforcer la mesure, par exemple en passant d’une mesure de curatelle à une mesure de tutelle ;
- S’ils estiment que la mesure n’est plus nécessaire (par exemple, en cas de rétablissement du parent), ils peuvent demander au juge des tutelles l’allègement de la mesure ou même la mainlevée.
bonjour jai bien ete renseigner je vous remercie isabelle krasousky